Dans sa tradition de culture numérique, le CNAM propose à ses auditeurs un enseignement immersif dans son laboratoire de chimie en réalité virtuelle. Une expérience autour de laquelle se crée un écosystème d’exploration de ces nouvelles technologies.
Le CNAM (Conservatoire National des Arts et Métiers) a été créé à la Révolution française; il n’en reste pas moins un précurseur des nouvelles technologies. « La culture du numérique est fortement ancrée depuis que les enregistrements filmés des cours du CNAM, à la fin des années 60, ont été diffusés à l’ORTF », raconte Thierry Koscielniak, Directeur du numérique de l’établissement.
Connu du grand public pour leurs cours du soir, le CNAM est un établissement public d’enseignement supérieur, avec plus de 200 centres partout sur le territoire métropolitain et en outre-mer. Sa spécificité : la formation tout au long de la vie avec un public en reprise d’étude ou demandeurs d’emploi.
Pour s’adapter à cet auditoire particulier, le CNAM mise sur le numérique. Les cours sont filmés et enregistrés sur des serveurs vidéo. « Si un auditeur est absent à un cours du soir, il peut le revoir. Cela a permis de créer un vaste catalogue de cours à distance », explique Thierry Koscielniak. Dans cette même lignée, l’établissement propose depuis 2014 une soixantaine de Mooc.
Ramasser un becher cassé en réalité virtuelle
Dans cet objectif d’enseignement à distance, le CNAM a développé son laboratoire de chimie en réalité virtuelle (VR). « Dès la première quinzaine du confinement total, nous avons pu transférer 95 % de nos cours à distance - sauf les travaux pratiques. Il nous a donc fallu un outil pour continuer à faire découvrir à distance les laboratoires et apprendre des gestes techniques ».
Depuis 2020, le CNAM propose un laboratoire de chimie virtuel, identique à celui présent au sein de l’établissement. Un jumeau numérique développé par Mimbus dont les données des exercices et leurs analyses sont hébergées sur le cloud Azure.
Les travaux pratiques virtuels immersifs n’ont pas vocation à remplacer les travaux pratiques, insiste le directeur numérique. Les séances permettent d’optimiser le temps d’occupation du laboratoire. Par exemple, les auditeurs peuvent faire la visite de sécurité en virtuel et en toute autonomie, avec des indications dans la simulation pour signaler les dangers ou les équipements. Habituellement, un enseignant aurait dû les accompagner. « Le temps de l’enseignant est ainsi dédié à l’explication de phénomènes complexes », souligne le directeur numérique. Le gain de temps est de 30 % à ce jour, se réjouit-il. Ainsi, « si vous voulez utiliser le laboratoire sur 8 séances, celui physique ne sera utilisé que sur 6 créneaux environ ». Le reste se déroulera en virtuel.
La force du virtuel est aussi de pouvoir simuler des choses dangereuses à des fins pédagogiques, impossibles à réaliser dans un laboratoire réel et de façon particulièrement immersive, continue Thierry Koscielniak. « Provoquer des explosions, ouvrir des flacons avec des vapeurs toxiques qui vous sautent à la figure, cela a ouvert un champ des possibles pour les enseignants. » Un scénario simule par exemple un objet en verre qui se brise au sol. Si l’auditeur a le réflexe de se baisser et de ramasser à la main, il se coupera », décrit-il. Pour l’instant, trois modules sont disponibles et peuvent être mixés : découverte, sécurité et manipulation.
Enfin, la VR permet également d’enregistrer les traces laissées lors de la manipulation: des données qu’on appelle analytics. Un outil permet à l’enseignant de suivre les progrès de l’auditeur, selon ses critères : rapidité d’exécution, précision des mouvements, etc. « Mimbus est le seul qui fournissait une plateforme d’analyse de ces traces, dans le cloud Microsoft, et qui permet à l’enseignant d’avoir un tableau de bord de suivi de progression de l’apprentissage », précise Thierry Koscielniak.
Trophée innovation et écosystème de “réalité étendue”
Le CNAM a ainsi formé 80 élèves – 200 le seront d’ici l’année prochaine. Pour l'instant, les auditeurs doivent être sur place afin d’avoir accès au matériel de VR et qu’un enseignant les assiste. « 95 % des personnes n’ont jamais mis un casque VR, justifie Thierry Koscielniak. On est dans un moment d’acculturation à cette nouvelle technologie et à nos modules de formation. » A terme, le directeur parie sur une démocratisation de ces appareils pour assurer un enseignement à distance. « Il va y avoir une amélioration technologique du poids, de la qualité de ce qu’on voit ; les casques vont s’orienter vers des lunettes; on aura aussi la fusion de la réalité virtuelle et la réalité augmentée…. Nous travaillons aussi avec des HoloLens pour explorer les cas d’usages de la réalité mixte. »
Cette initiative a été récompensée en 2020 d’un trophée de l’innovation numérique de l’Ile-de-France. Fin 2021, le CNAM a également été lauréat d’un appel d’offre de l’Agence nationale de la Recherche (ANR), via France Relance et le Plan d’investissement d’avenir, avec le projet Jenii, porté par un consortium qui réunit l’école des arts et métiers (ENSAM), CEA Tech et CESI. Ce consortium dispose désormais de 9,5 millions d’euros à consacrer à des Jumeaux d'Enseignement Numériques, Immersifs et Interactifs. Pour le CNAM, le challenge est de créer, en plus du laboratoire de chimie, les jumeaux d’un avion léger, d’une voiture électrique et du système de démantèlement d’une centrale nucléaire.
L’écosystème se construit. En 2018, le CNAM co-fondait France Immersive Learning pour faire entrer l’apprentissage immersif dans les objectifs du gouvernement. En 2022, 500 acteurs des technologies immersives ont lancé le Conseil National de la XR (CNXR). Déjà, Thierry Koscielniak évoque l’université sur le métavers, ou métaversité. Un domaine d’avenir, dont les premiers jalons sont prometteurs.
“Le laboratoire de chimie en réalité virtuelle développé par Mimbus sur le cloud Azure nous a permis d’avoir une plateforme de traces d’apprentissage pour suivre ce que font les personnes dans les casques de réalité virtuelle.”
Thierry Koscielniak, PhD, CNAM
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